Garder son cap quand la tempête gronde
Depuis le début de cette année si particulière, beaucoup d’entre nous exprimons un sentiment d’incertitude profond. Certains sont encore en état de choc, comme anesthésiés sous le poids d’un « à-quoi-bonisme » latent. Le doute plane et on se demande ce qui peut bien nous attendre pour la suite… l’atteinte est profonde et bien souvent indicible. Aux premières heures du confinement, notre président avait dit « nous sommes en guerre ». Nous sommes restés loin des balles et des bombes, pourtant nous avons été touchés, même traumatisés pour certain·es.
On sent bien que quelque chose a changé, mais quoi ? Il est parfois difficile de poser des mots sur cette sensation insidieuse qui nous laisse hagards et dérouté·es. La “guerre” que nous venons de vivre est d’ordre psychique mental, spirituel ; elle a malmené nos âmes. Pour la plupart d’entre nous, ce ne sont pas nos corps qui en ressortent brisés, mais nos esprits. L’appel de la vie, l’élan vers le haut, la pulsion d’être, ont été déchirés par les multiples batailles de clocher et la manière avec laquelle nombre d’entre nous ont été humiliés, bêtifiés, infantilisés et si besoin était, dénoncés, trahis ou punis.
Une crise est une rupture brutale d’équilibre. Lorsqu’on perd l’équilibre, il arrive de tomber, mais il arrive aussi d’inventer de nouveaux pas de danse. En chinois, le mot « crise » est composé de deux idéogrammes conjoints. Le premier signifie « danger », et le deuxième signifie « opportunité ». La crise que nous venons de vivre, et dont nous subissons toujours les conséquences, est une opportunité d’apporter des réponses nouvelles. Mais cela implique de retrouver son nord et de re-nourrir la confiance en la vie.
Ce qui a permis à Ulysse de continuer à diriger son navire et à garder le cap face au chant des sirènes, ce ne fut pas de se boucher les oreilles ou de s’anesthésier. Ce fut de continuer le voyage en s’attachant au mât du bateau, afin de rester droit, conscient et vigilant. Il put ainsi le diriger, tout en s’empêchant de céder à leur chant hypnotique qui l’invitait à se perdre dans les flots.
Comment se relier à son Ulysse intérieur face au chant des sirènes ?
Une solution majeure : se recentrer sur son corps et ses sensations. S’il y a bien une chose qui est impliquée dans tout ce que nous vivons, c’est notre corps. Tout comme le vaisseau d’Ulysse, il baigne dans un flot incessant d’informations relatives et fluctuantes, et ça déplaît tout particulièrement au petit mousse, notre mental, qui lui, cherche désespérément à se rassurer avec des certitudes. Mieux vaut alors l’occuper en lui demandant d’aller écouter nos sensations plutôt que de le laisser prendre les commandes du vaisseau, sous l’emprise du chant des sirènes.
Alors, mettons-nous dans notre corps ! Je vous partage mes trucs et astuces pour prendre soin de soi et de son ancrage, et avancer d’un pied sûr. Chacune de ces propositions vous profitera d’autant mieux que vous serez présent·e à vous-même, pour conduire votre attention, et ainsi tirer un maximum de bénéfices de l’expérience.
Poser sa tête
Parfois, mon mental se met à tourner en roues libres, et il arrive qu’il se mette à mouliner tellement fort que j’en ai la tête embrumée, voire même ankylosée. Dans ce cas-là, je la pose, tout simplement. Si je suis à mon bureau, je mets mes mains comme petit coussin ; si je suis à la maison, je trouve un bout de canapé ou le bord d’un lit, ou alors je m’installe accroupie ou en tailleur quelque part, les coudes repliés contre mon corps, et je mets mon front dans mes mains devant moi.
Je vous invite à expérimenter cette posture, en prenant conscience que vos mains – ou le support que vous aurez choisi – s’offrent à vous pour porter votre tête, et vous soulager de votre charge mentale. Restez posé·e là, les yeux fermés, en respirant tranquillement, et en profitant de la sensation bienfaisante de cette posture. Soupirez si vous en sentez le besoin. Sentez combien il est bon de pouvoir enfin cesser de tenir tête à ce qui vous résiste, et de vous abandonner à votre vulnérabilité. Relâchez les muscles de votre visage, de votre mâchoire, de vos épaules, de votre dos, et peut-être même que vous sentirez votre ventre se dénouer et votre souffle gagner en amplitude. Il va de soi que vous pouvez faire cet exercice autant de temps que vous le souhaitez, mais il est déjà très efficace si vous le pratiquez durant seulement quelques minutes.
À l’expire, il peut vous prendre l’envie de chanter un son. Laissez-vous aller à ce que votre corps exprime. Sentez les vibrations des sons vous emplir et aider au relâchement musculaire en profondeur.
Mettre de la chaleur sur le ventre
Situé au centre de notre corps, notre ventre est notre centre émotionnel. Il est de ce fait tout indiqué d’y apporter de l’énergie sous forme de chaleur pour nous aider à nous recentrer.
En plus, les circonvolutions de l’intestin grêle ont une étrange ressemblance avec celles du cerveau, vous ne trouvez pas ? D’ailleurs, il n’est pas rare, quand on rumine des pensées, que notre plexus solaire se bloque, perturbant ainsi la digestion; et réciproquement, on a du mal à réfléchir quand on est en pleine digestion. Rien de tel alors, qu’un cataplasme de chaleur pour dénouer les tensions au niveau du plexus solaire, et dissoudre la sensation de boule au ventre, libérant ainsi l’énergie bloquée.
Première option
La tasse d’eau chaude, à poser sur votre ventre, au niveau du plexus solaire, et sirotez la boisson gorgée par gorgée. Comme ça, vous réchauffez votre ventre de l’extérieur et de l’intérieur ! Profitez de ce temps pour respirer avec le ventre, et sentez les fluctuations de chaleur au contact de votre peau lorsque votre ventre se gonfle et se dégonfle. Observez également le trajet de l’eau chaude dans votre œsophage.
Deuxième option
La bouillotte chaude, qui a l’avantage de couvrir une plus grande surface de votre ventre, et de tenir la chaleur plus longtemps. Voilà pourquoi je vous conseille de l’utiliser lorsque avez plus de 5 minutes pour profiter de ses bienfaits. Faites chauffer votre eau à 80-85°C – cette température correspond aux premiers frémissements de l’eau – et remplissez votre bouillotte aux deux tiers. Prenez soin de vider l’excès d’air au moment de la boucher, afin qu’elle épouse bien la forme de votre corps, et placez-la sur votre abdomen. Fermez les yeux, et portez votre attention sur la chaleur qui se diffuse dans votre ventre… Laissez-vous du temps pour observer les réactions de votre corps. Pour profiter des bienfaits de la bouillotte, prévoyez de vous réserver au moins 15 minutes.
Attention : Ne placez jamais votre bouillotte sur votre peau nue, mettez une serviette pour éviter tout risque de brûlure.
Faire un bain de pieds chaud
Comme pour le ventre, le fait d’apporter de la chaleur au niveau des pieds permet de faire un appel d’énergie vers le bas du corps, et ainsi soulager la tête en surchauffe. Mais cette fois, à la place de la bouillotte, je vous suggère un bain de pieds. Pour cela, il vous suffit d’une bassine en plastique, une poignée de gros sel marin (ou de sels d’epsom) et de l’eau chaude. Vous pouvez faire trempette 5 à 10 minutes avant de vous sécher soigneusement les pieds. Et en bonus, vous pouvez faire un auto-massage.
Bouger, secouer son corps
Lorsqu’il y a un trop plein d’énergie qui bouillonne et qui ne nous permet pas de nous poser, parfois, il est juste bon de dépenser cette énergie, et de bouger. Jardiner, couper du bois, cuisiner, danser, courir, jouer, sauter, chanter … Je ne vous le précise pas, mais bien sûr, on bouge en étant présent à ce que l’on fait, hein… L’essentiel de l’exercice est de ressentir vos mouvements, aussi explosifs ou infimes soient-ils. Explorez. Amusez-vous à jouer une scène au ralenti comme au cinéma, pour ressentir vos muscles, sentir quand votre poids passe d’un côté à l’autre de votre corps, quand vos abdos se contractent ou se relâchent …
Ce petit truc a l’avantage de pouvoir se pratiquer avec les enfants. On peut jouer à décrire ce qu’il se passe dans son corps comme un commentateur sportif, ou comme un narrateur de documentaire animalier … Ça aide à se lâcher la grappe et à faire l’exercice en s’amusant, plutôt que de chercher à réaliser une performance, ce qui ferait complètement passer à côté du truc.
Selon votre aisance et votre envie, vous pouvez explorer vos mouvements de plus en plus en profondeur : « depuis quel endroit est-ce que je bouge ? Est-ce que c’est ma tête qui a décidé de ce geste, ou est-ce que cet élan provient d’ailleurs ? S’il vient d’ailleurs, d’où vient-il ? Et si je mets mon corps dans cette posture, qu’est-ce que ça me donne l’élan de faire ? » etc.
Vous avez compris le principe, l’idée est de devenir disponible aux mouvements que votre corps a “envie” de faire, pour développer une écoute fine de ce qu’il se passe en vous. Et à ce moment-là, votre mental, si habitué à jouer au petit chef et à se mettre aux commandes, devient un observateur attentif.
Pratiquer une méditation d’ancrage
Basée sur l’attention à sa respiration, la méditation est un outil puissant pour se ressourcer, et remettre de l’ordre dans nos vies trépidantes. L’idéal est de pouvoir s’octroyer un rendez-vous régulier au moins une fois par semaine pour pratiquer une méditation d’une durée minimum de 30 minutes. Mais c’est aussi très intéressant d’interrompre le flot incessant de nos journées en faisant des micro-pratiques régulièrement dans notre semaine. Par exemple, on peut faire une série de 10 respirations conscientes, plusieurs fois par jour. Ou bien on peut inclure dans nos activités quotidiennes quelques minutes d’observation en conscience, en étant à l’écoute de nos sensations, de nos pensées.
J’ai réalisé plusieurs méditations guidées sur fond de chant intuitif, afin de donner une trame à celles et ceux qui débutent, et de permettre aux plus chevronné·es d’approfondir leur pratique. Vous les trouverez sur la boutique.