Mes conseils pour la cueillette sauvage
Je ne sais pas vous, mais les beaux jours me donnent envie d’aller cueillir les trésors que la nature nous offre et préparer des recettes gourmandes, mais aussi des sirops et des macérats, qui me serviront à concocter toutes sortes de potions pour rester en pleine forme. Et tout ceci m’a donné envie de vous écrire ici un rappel des choses à prendre en compte lors de vos cueillettes, car si la nature est merveilleuse, il est important de garder à l’esprit nos liens d’interdépendance avec elle, et d’être conscient qu’il peut y avoir des dangers. Alors pour cueillir les plantes sauvages avec respect et en toute sérénité, lisez la suite !
Commencez dans votre jardin
Parfois, nous entendons parler de “mauvaises herbes” mais il n’en n’est rien. Vous n’imaginez pas tout ce que vous pourriez trouver, à commencer par votre propre jardin, ou à deux pas de chez vous. Pour les personnes qui n’ont pas de jardin, n’hésitez pas à demander poliment à un·e voisin·e si vous pouvez venir cueillir des plantes sauvages dans leur jardin, avant la tonte de leur pelouse, par exemple. La plupart des jardins regorgent de pâquerettes, de pissenlits, de chélidoines, de trèfles, de violettes, et parfois même d’orties, de bourraches, de consoudes et même de chardons marie, que de nombreuses personnes désherbent pour avoir un jardin tout “propre”. Je suis sûre que si vous proposez votre aide pour le désherbage, vous pourrez faire le plein de toutes sortes de pépites végétales.
Respectez la nature
Lorsqu’on s’intéresse à la cueillette sauvage, cela vient souvent d’un élan à renouer avec la nature. Mais soyons vigilant·es, car on se laisse prendre au piège de nos mentalités consuméristes plus souvent qu’on ne le voudrait, en particulier lorsqu’on débute, et en particulier lorsqu’on tombe sur une opulente zone de récolte. Rappelons-nous la sagesse des peuples premiers, qui tentent tant bien que mal de préserver l’équilibre de l’environnement dont ils dépendent pour vivre. Nous habitons une magnifique région de la planète, généreuse et abondante en plantes riches de mille vertus, et aux qualités gustatives et olfactives précieuses, qu’il est important de respecter, afin qu’elles nous nourrissent et nous soignent pendant encore de multiples générations.
Pour cela, je vous invite à inclure une petite pratique de méditation à votre temps de cueillette. Profitez d’avoir besoin de vos 5 sens pour reconnaître une plante ou un champignon pour prendre le temps de les rencontrer et de les cueillir en conscience. Observez la plante sous toutes ses coutures, sa base, sa tige, ses feuilles, ses fleurs, et imprégnez-vous de comment elle vous “parle”. Quels sont les insectes qui la parcourent ? Quels animaux la convoitent ? Quelles autres plantes vivent près d’elle ? Quel impact votre cueillette aura-t-il sur l’équilibre de ce milieu ?
Je trouve que c’est une manière très efficace de retenir les caractéristiques de ces plantes lorsqu’on apprend à les reconnaître. Et bien sûr, pensez à remercier Dame Nature pour sa générosité et sa protection. Cela soutiendra profondément votre élan à retrouver votre place au sein du Vivant.
Enfin, marchez respectueusement. Si une espèce végétale vous intéresse, prenez garde à ne pas détruire les autres sur votre passage. Si cela vous aide à vous en souvenir, jouez au jeu de l’indien, qui se déplace en ne laissant aucune trace de son passage. Ça marche super avec les enfants, petits et grands.
Ah oui, et aussi – ça me paraît tellement évident que j’ai failli oublié de le préciser – remportez avec vous papiers ou plastiques divers. Et si vous en trouvez sur votre chemin, ramassez-les. La nature vous remerciera !
Équipez-vous bien
Pensez à vous protéger des tiques dans les zones à risques, et à vous équiper d’un bon matériel de cueillette :
- Oui… je sais, la faucille est plus “authentico-romantique”. Mais quand même, préférez-lui un sécateur pour éviter les blessures.
- Équipez-vous de gants de jardin, qui vous protégeront des épines et des plantes qui libèrent des substances collantes et/ou irritantes pour la peau (résines, orties…). Par ailleurs, portez un pantalon et un haut à manches longues, pour vous protéger.
- Chaussez-vous confortablement pour la marche sur des terrains irréguliers ; préférez donc les chaussures de randonnée aux tongs, sandalettes et escarpins.
- Emportez un panier en osier pour déposer vos plantes. Choisissez-en assez grand pour que les plantes puissent bien respirer.
- Prévoyez de quoi faire sécher vos trouvailles à votre retour. Vous pouvez confectionner un séchoir de manière artisanale, mais vous pouvez utiliser un déshydrateur.
- Prévoyez de quoi vous couvrir la tête pour éviter l’insolation (chapeau, casquette).
- Emportez de l’eau avec vous et hydratez-vous régulièrement.
- Si vous partez pour la journée, prévoyez de quoi vous sustenter.
- Pensez également à une petite trousse de secours pour les petites blessures.
Récoltez à dessein
Que vous préleviez des plantes dans la nature pour réaliser un joli bouquet ou pour préparer une décoction ou une création artistique, prenez soin de savoir ce que vous allez faire avec les plantes que vous prenez. Si cette question n’est pas claire, laissez les plantes en place pour éviter toute forme de gaspillage.
Prélevez seulement ce dont vous avez besoin
En règle générale, il est conseillé de ne prélever qu’un à deux tiers des plantes et d’en laisser toujours un minimum d’un tiers. En effet, si nous souhaitons retrouver nos plantes préférées chaque année, mieux vaut ne pas tout cueillir. Respectons le cycle de la plante pour qu’elle puisse se reproduire et s’offrir en abondance d’une année sur l’autre.
Dans cet esprit, si vous repérez seulement quelques spécimens d’une plante dans l’endroit de votre cueillette, essayez d’élargir votre recherche à un endroit où elle est plus présente, afin de respecter son implantation et son développement.
En outre, rappelons-nous que nous ne sommes pas les seuls à convoiter ces merveilles de la nature. Pensons à la biodiversité, et à l’équilibre de l’écosystème présent autour de nous. Prenons seulement notre part, et laissons le reste à la faune sauvage qui se nourrit de toutes ses plantes, aux pollinisateurs qui sont les principaux garants de leur pérennité, ainsi qu’aux autres cueilleurs. Pratiquons tous ensemble une cueillette responsable et respectueuse.
Munissez-vous des outils adéquats pour ne prélever que la partie de la plante dont vous avez besoin. Par exemple, si vous avez seulement besoin des feuilles, ne cueillez que les feuilles.
Cueillez délicatement ; n’arrachez les racines que si c’est nécessaire – pour des préparations médicinales, par exemple.
Ne récoltez que les plantes que vous avez parfaitement identifiées
Le risque de confusion avec les plantes toxiques est à prendre au sérieux. Dans certains cas, cette confusion est très facile. Une plante se reconnaît avec ses 5 sens. D’abord visuellement, à l’aide de certains critères botaniques, mais aussi grâce au toucher à l’odorat et en dernier au goût. Au moindre doute, abstenez-vous. De nombreux exemples de confusions dramatiques existent (ex : ail des ours/colchique, cerfeuil des bois/cerfeuil des fous/grande cigüe, carotte sauvage/ciguë).
Il existe de multiples moyens pour vous aider dans la reconnaissance des plantes sauvages :
· faire une sortie avec une personne qui connaît bien les plantes, et qui saura vous montrer comment bien identifier les plantes sauvages de votre secteur ;
· se promener avec une flore dans la poche ;
· prendre de bonnes photos de la plante entière, des feuilles et des fleurs en détail dans son milieu, puis consulter une flore une fois de retour à la maison ;
· utiliser l’application Pl@ntNet, une plateforme collaborative de reconnaissance de plantes à partir de photos.
J’aime aussi me référer à la chaîne du Chemin de la Nature, du Jardin d’Émerveille et de Permaculture, Agroécologie, etc. pour leur contenu riche et informatif sur le sujet de la cueillette et la connaissances des plantes sauvages et potagères.
Plus vous croiserez les informations, plus vous serez sûr·e de votre coup.
Veillez à la qualité des plantes que vous récoltez
Faites attention à la qualité du site de récolte. Veillez à ce que l’endroit ne soit pas trop pollué, à l’écart des routes, des sites chimiques, des décharges, ou encore de champs traités. Renseignez-vous sur les modes d’agriculture pratiqués autour de votre lieu de cueillette, pour éviter les intrants chimiques. L’idéal étant en pleine nature, mais ce n’est pas toujours réalisable, car certaines plantes ne poussent que près de l’homme.
D’autre part, cela peut sembler évident, mais il est important de le rappeler : laissez sur place les plantes abîmées ou fanées. Préférez les plantes en hauteur à celles situées au ras du sol, afin d’éviter le risque de contact des plantes avec des déjections animales.
Oubliez les contenants en plastique pour recueillir vos plantes. Préférez un panier en osier, recouvert d’un tissu pour protéger les espèces les plus fragiles.
Pensez à nettoyer toutes vos récoltes sur place au fur et à mesure, avant de les installer dans votre panier, afin que la terre et les débris ne se mélangent pas aux parties saines. Si vous prévoyez de sécher vos plantes en les suspendant en bouquets, vous pouvez les préparer au fur et à mesure, cela vous aidera à vous rendre compte de la quantité de plantes que vous pouvez récolter à la fois, en fonction de l’espace que vous avez pour les entreposer.
Respectez la loi
Si vous êtes sur un terrain privé, demandez l’autorisation au propriétaire avant de cueillir quoi que ce soit, même s’il s’agit de toutes petites quantités. De plus, pensez qu’il existe des arrêtés municipaux et/ou préfectoraux concernant certaines espèces, ainsi que des interdictions. Pour une fois qu’une loi protège les intérêts de la biodiversité, autant que faire se peut de bien se renseigner en amont.
Vous pouvez retrouver la liste des espèces rares et protégées de votre secteur de cueillette sur le site de l’INPN (Inventaire National du Patrimoine Naturel).
Cueillez à la bonne période
Respecter le moment idéal est un gage d’obtenir des plantes avec une plus grande concentration en principes actifs. De manière générale, il est conseillé de partir en cueillette un jour de beau temps, sec, soit le matin, à la mi-journée ou en fin d’après-midi. Les grandes périodes s’étendent du début du printemps à la fin de l’automne, selon la partie qui nous intéresse : les feuilles, les fleurs, les racines, etc. Cela peut se prolonger dans l’hiver selon les régions et les températures.
Préférez récolter les fleurs en début de floraison, quand il y a encore plein de pollen, avant que les insectes ne butinent trop. Les feuilles se récoltent généralement au printemps, mais il peut y avoir des exceptions, comme le frêne qui se ramasse en début d’été. Les racines se ramassent soit à l’automne, soit à la fin de l’hiver, une fois que les parties aériennes de la plante ont terminé leur cycle, et que les principes actifs se concentrent sous terre. La plupart des baies se ramassent à l’automne. Certaines ont besoin d’une ou plusieurs gelées (cynorrhodons, prunelles…), en effet, l’amertume est transformée en « sucre » grâce au gel.
Pour les puristes, certains horaires sont plus favorables dans une journée, vous pouvez suivre ces préceptes si cela vous parle.
Traitez vos plantes dès votre retour de cueillette
L’idéal est de prévoir, dans votre temps de cueillette, le temps qu’il vous faudra pour les traiter dès votre retour de cueillette.
Si vous avez décidé de les cuisiner, préparez-les pour votre prochain repas ou pour le lendemain, mais pas davantage, sans quoi vous perdrez une majeure partie des bénéfices des plantes.
Pour les conserver au mieux et profiter de tous leurs bienfaits et saveurs dans la durée, faites-les sécher. Pour préserver un maximum des principes actifs et des huiles essentielles de vos plantes, mettez-les à sécher dans un endroit sec et bien ventilé, dont la température est comprise entre 30 et 40°C, avec une taux d’humidité normal, et de préférence à l’ombre – ou du moins sans exposition directe au soleil. Les greniers de nos grand-mères étant l’idéal, on s’en rapprochera le plus possible.
Vous pouvez suspendre vos plantes la tête en bas, ou étalées sur une claie de manière à ce qu’elles ne noircissent pas. Faites des bouquets assez fins afin que l’air puisse circuler aisément pour assurer un séchage optimal.
Si vous ne disposez pas de claies de séchage, vous pouvez les improviser en empilant des cagettes en bois, au fond desquelles vous pouvez installer des torchons ou du papier absorbant. Sur les claies, ne mettez à sécher que les parties de la plante que vous souhaitez conserver. Prélevez les feuilles, les pétales, les boutons, les fleurs, les fruits, puis installez-les sur vos claies, en prenant soin de les étaler au mieux pour assurer une bonne circulation de l’air.
Si vous ne disposez pas d’un endroit pour sécher vos plantes, il existe aujourd’hui des déshydrateurs électriques.
À l’exception des salades qui seront lavées dans une eau vinaigrée au dernier rinçage pour enlever les petites bêtes, la plupart des plantes ne nécessitent pas de lavage si elles sont cueillies dans un endroit propre et sain. Elles sécheront d’ailleurs plus facilement. On ne lavera que les plantes boueuses ou douteuses, et les racines.
Conservez vos plantes séchées dans un endroit sec, à l’abri de la lumière et de la poussière. Les plus passionnés d’entre nous chineront d’anciennes verreries et porcelaines d’apothicaires ou de vieux pots à sel, pots à graisse, ou pots à moutarde en terre cuite recouverts de bouchons en liège, mais vous pouvez aussi utiliser des boîtes à biscuits ou boîtes à sucres en métal, ou encore des boîtes en bois ou en carton. Vous serez ravi·es de les savourer tout au long de l’année.
Vous pouvez également utiliser vos plantes sous forme fraîche pour préparer une tisane. Il est également possible de destiner vos plantes à d’autres usages, comme des baumes, des macérâts huileux, macérâts alcooliques, des teintures-mères, etc.
Pour profiter des bienfaits de leurs propriétés médicinales, consommez-les dans l’année et renouvelez vos cueillettes d’année en année. Traditionnellement, les Celtes cueillaient leurs plantes médicinales à l’aube de leurs célébrations, et ils brûlaient les restes de plantes séchées qui n’avaient pas été utilisées durant l’année en offrande aux feux sacrés.
Bonnes cueillettes !