La conception celtique du temps était basée sur le cycle agraire et pastoral. Pour les anciens Celtes, il y avait seulement deux saisons : l’été, ou la saison claire et l’hiver, ou la saison sombre. À Samhain, le cercle de l’année atteint le dernier rayon de la Roue. Ce temps est l’équivalent grégorien du Nouvel An, qui célèbre le passage à la saison sombre et la fin des moissons. Dans les temps anciens, c’était le moment de faire les derniers inventaires avant l’arrivée de l’hiver. Pour les paysans, on arrivait à la fin du cycle des travaux des champs. On rentrait la troisième et dernière récolte à l’abri, on abattait le bétail que l’on ne souhaitait pas nourrir tout l’hiver. On procédait aux salaisons pour constituer les réserves de viande de la saison froide. Il était temps de planifier les travaux agricoles pour l’année à venir.
En résonance avec cette dynamique pendant laquelle la terre se met en sommeil, c’est pour nous citadins, une période propice à la prévision de nouveaux projets.
Tout est tourné vers un nouveau départ, qui nous donne l’opportunité de laisser les scories, les énergies négatives et ce qui ne nous est plus utile derrière nous.
Dans de nombreuses cultures autour du globe, c’est une période durant laquelle on rend hommage aux ancêtres. C’est un moment de recueillement joyeux, qui célèbre les cadeaux du temps qui s’écoule, en laissant derrière lui le souvenir de nos êtres chers disparus.
C’est aussi un moment propice à la divination. Alors, si vous avez une question, si vous voulez entrevoir ce qui vous attend pour cette nouvelle année, vous pouvez faire des tirages de tarots, d’oracles, de runes, ou ce qui vous appelle. Ou encore, vous pouvez vous inspirer des vieilles traditions, qui consistaient à tirer des présages à l’aide de noix, de châtaignes ou encore de pommes.
Histoire et traditions
Samhain, prononcé généralement “sa-ouine”, est un mot dont on ne connaît pas bien l’origine. Si l’on a longtemps cru qu’il signifiait « la fin de l’été » avec sam pour « été » et fuin pour « fin », l’étymologie fait aujourd’hui débat et pourrait signifier, entre autres, la réunion ou le rassemblement.
Dans certaines voies druidiques, on dit que Samhain signfie littéralement “chute du soleil”.
Selon les pays, l’écriture diffère, mais il s’agit bien de la même fête : Samhain en irlandais, Samhainn ou Samhuin en écossais, et Sauin en mannois.
Chez les Celtes
D’après l’archéologue Jean-Louis Bruneau, spécialiste de la civilisation proto-celte, les premières sources qui mentionnent la fête de Samhain sont très tardives et apparaissent aux débuts du Moyen-Âge. S’il est probable que des célébrations similaires aient eu lieu dans le monde Celte de l’Antiquité, la célébration en tant que telle était tout à fait contemporaine au christianisme montant.
Comme pour la croix celtique, c’est aux XVIIIe et XIXe siècles que les Irlandais ont nourri un renouveau des attributs et symboles celtes autour d’un roman national qui visait à réunir un peuple, qui avait alors besoin d’une identification patriotique et de traditions communes. Les origines de Samhain ont été ainsi reculées dans l’Histoire, la rangeant en tant que fête druidique et païenne.
Contrairement à ce que l’on peut lire ici et là sur Internet, il n’existe aucune preuve, source ou document historique permettant d’attester que Samhain était célébré chez les Celtes Gaulois qui peuplaient notre actuel territoire. La seule certitude que nous ayons provient du calendrier de Coligny, l’un des rares documents en langue gauloise qui nous est parvenu, qui confirme que le mois de Samonios est le premier mois de l’année Celte.
Décevant ? Peut-être pas, puisque les contes et légendes évoluent au gré du temps et des personnes qui les perpétuent. L’archéologie et l’histoire sont des sciences vivantes, qui plus est des sciences humaines. À ce titre, elles évoluent au fil de nouvelles découvertes, et les « faits » historiques ne sont que des interprétations de traces de ce qui a existé avant nous. Nombreux sont les amalgames entre les histoires et l’Histoire avec un grand H. J’aime les confronter. Cela me permet de me rappeler de ne pas figer les connaissances que je découvre, et de garder à l’esprit que, même si elles nous donnent l’illusion de l’immuabilité en évoluant lentement, les références de fond restent mobiles et malléables. Il n’est pas question pour autant d’inventer tout et n’importe quoi, car il s’agit tout de même de mythes fondateurs. Mais prenons simplement ces informations avec légèreté, et rappelons-nous que, plus que des certitudes, l’important est de nous appuyer sur ce qui donne du sens à notre vie, ici et maintenant. Tout ce qui vit n’est que relief, nuances et mouvement.
Reprenons.
Situé à mi-chemin entre l’équinoxe d’automne et le solstice d’hiver, Samhain est considéré comme le plus important des quatre “festivals des quartiers”, des festivals du feu.
La fête de Samhain s’étendait sur une semaine, et était célébrée 3 jours avant le 31 octobre et 3 jours après, du 29 octobre au 4 novembre d’après notre calendrier grégorien.
Le premier jour était consacré à la mémoire des héros, et le deuxième jour, on honorait celle des défunts.
La cérémonie de la reconnaissance du feu se tenait le troisième jour. Ce jour-là, après avoir éteint le foyer de leurs habitations, les propriétaires se rassemblaient sur la grande place du village, autour des druides, qui rallumaient le feu sacré de la communauté, à l’aide d’ un arc et d’un fuseau. L’arc tournait d’est en ouest, imitant la course du soleil. Par friction avec le fuseau, des étincelles donnaient naissance aux premières flammes, qui embrasaient le feu sacré. On utilisait les brandons du brasier pour alimenter des feux joies aux alentours, qui avaient pour but d’éloigner les mauvais esprits. Les habitants utilisaient ce nouveau feu sacré pour rallumer l’âtre, chauffer leurs maisons et protéger leur foyer pour l’année. On déposait des offrandes de nourriture aux abords des villages ou des fermes pour les esprits errants, les âmes des défunts et le peuple des fées. On leur sacrifiait aussi un animal issu du bétail. L’essence de la bête était offerte, et la viande était consommée lors du repas de Samhain.
Le quatrième jour était le grand jour de Samhain. Ce jour-là, le voile entre les mondes s’amincissait et les portes du Sidhe s’ouvraient, permettant aux spectres, bons et mauvais, de rejoindre le monde des vivants. De nombreuses légendes dissuadaient les gens de sortir de chez eux la nuit de Samhain. En référence à la légende de Jack O’Lantern, celles et ceux qui devaient sortir la nuit portaient autour du cou un navet creusé dans lequel était placée un charbon ardent, dans le but d’éloigner les mauvais esprits. À l’époque des anciens celtes, les druides et les villageois se déguisaient en animaux ou en créatures effrayantes. Ainsi vêtus, ils erraient à la frontière de leur village, dans le but de détourner les êtres malveillants en leur faisant croire que d’autres spectres étaient déjà là.
Les habitants ayant perdu un proche laissaient symboliquement la porte ouverte et une place à table pour l’accueillir. Ce soir-là, on soupait en silence, à l’affût du moindre signe de la présence de l’âme du défunt. Une autre manière d’entrer en lien avec les âmes était de se rendre à un carrefour, à la croisée des chemins.
En Irlande, les plus pauvres allaient de maison en maison en troquant une chanson ou une prière pour honorer les morts en contrepartie d’un « gâteau des âmes ». Il s’agissait de biscuits ronds marqués d’une croix représentant les âmes coincées qui n’arrivaient pas à rejoindre l’autre monde.
En France une telle tradition existait il y a longtemps dans certaines régions. Mais ce sont des fleurs pour garnir les tombes que les enfants demandaient.
Les cinquième, sixième et septième jours étaient consacrés aux rassemblements populaires et familiaux, plus festifs, donnant l’occasion de chanter et danser autour de banquets généreux. C’était aussi l’occasion de faire des farces, en accusant l’espièglerie des fées. Portes dégondées, fenêtres enduites de savon, clôtures retirées, serrures bouchées… si ces blagues étaient plus ou moins de mauvais goût, elles symbolisaient l’amincissement du voile entre les mondes. Les frontières entre le monde du dedans et le monde du dehors étaient alors brouillées ou carrément retirées.
On jouait à de nombreux jeux traditionnels durant les célébrations de Samhain, beaucoup d’entre eux avaient vocation à prédire l’avenir des participants. On présageait principalement sur la mort et le mariage.
Chez les Mexicains
El Día de los Muertos, ou le jour des morts, est une période extrêmement symbolique au Mexique et mêle de nombreux éléments culturels qui, à l’image de l’histoire du pays, proviennent d’un mélange de différentes cultures et croyances.
Les premières traces de la célébration des morts datent d’il y a approximativement 3000 ans, chez les populations indigènes mésoaméricaines (Aztèques, Mayas, etc). Ces populations rendaient hommage à leurs défunts et honoraient la déesse de la Mort Mictecacíhuatl à travers de divers rituels, chants et danses. Ces peuples croyaient en la vie après la mort et le décès ne représentait qu’une étape entre la vie terrestre et la vie dans ce qu’ils appelaient “l’inframonde” (le monde des morts).
L’arrivée des conquistadors Espagnols sur le territoire américain et la colonisation des populations locales au XVIème siècle marque la diffusion de la culture et des traditions européennes chrétiennes lors des tentatives de conversion des natifs. Ainsi, El Día de los Muertos traditionnellement célébré en juillet/août, s’aligne sur la Toussaint, et se fête ainsi chaque année du 28 octobre au 2 novembre. Ensuite, la croyance du fait que le lieu de destination des âmes était déterminé par leur type de mort, céda la place aux notions de paradis et d’enfer, qui n’existaient pas pour les populations pré-hispaniques. Les objets symboliques de la religion chrétienne apparaissent également dans les rites, tels que les croix ou les représentations de personnages saints.
Aujourd’hui, el Día de los Muertos au Mexique est célébrée pour accueillir les âmes qui rendent visite à leurs proches et reviennent sur Terre durant cette période.
Comme dans les traditions indigènes, les enfants sont d’abord célébrés le premier jour du mois de novembre et les adultes, le jour suivant.
El Día de los Muertos est réputé pour sa tradition de se rendre au cimentière et de décorer les tombes des défunts, puis de s’y installer en famille pour partager un repas festif, au cours duquel on chante et on danse.
La légende de Jack O’Lantern
Tout commence il y a de cela plusieurs siècles en arrière. Stingy Jack, un vieil ivrogne connu pour sa malice et sa radinerie, aime jouer des tours à son entourage, boire jusqu’à plus soif dans les pubs de la région, et faire preuve de la plus grande méchanceté avec ses proches. Sa cruauté est telle, que le Diable en entend même parler, et décide de lui rendre visite pour le punir et le condamner aux Enfers. Arrivant sur Terre, le Diable trouve Stingy Jack en train de tituber à travers la campagne irlandaise.
– Jack, tu as été cruel tout au long de ta vie. Suis-moi. Je te condamne aux Enfers pour l’éternité.
Malgré l’alcool, Jack ne se démonte pas, et accepte : « D’accord, je te suis… Mais avant de m’emmener, offre-moi un dernier verre au pub » .
Le Diable accepte, et emmène donc Jack au pub le plus proche. Arrivé au comptoir, Jack commande une bière. N’ayant pas d’argent pour payer, Jack ruse pour convaincre le Diable de se transformer en pièce de six pence. Ce dernier finit par accepter, mais au lieu de régler sa note, Jack attrape la pièce et la fourre dans sa poche, où se tient une petite croix en argent. Le contact avec la croix empêche alors le Diable de reprendre sa forme véritable. Fier de sa fourberie, Jack propose au gardien des Enfers de le libérer à condition que celui-ci le laisse tranquille durant 10 ans. Le Diable n’a d’autre choix que de céder. Il s’en retourne furieux au royaume des morts.
Dix ans se passent, et le Diable revient pour emmener Stingy Jack aux Enfers. Jack accepte de le suivre, mais lui demande si ce dernier veut bien lui cueillir une pomme avant de l’emmener. Le Diable accepte, grimpe sur le pommier, mais Jack encercle alors le tronc de l’arbre avec plusieurs croix, piégeant une fois de plus le Diable.
– Libère moi ! Vocifère-t-il.
Jack lui propose un nouveau marché : il libérera le Diable à condition d’obtenir sa liberté à tout jamais. Le Diable scelle le pacte.
Bien des années plus tard, Jack meurt, et se retrouve aux portes du Paradis. Mais au vu de la liste de ses méfaits et de sa vie dissolue, Saint Pierre lui en refuse l’accès. Jack se rend alors devant la porte de l’Enfer, et demande au Diable de le laisser entrer. Ce dernier ne manque pas de lui rappeler le pacte qu’il s’est engagé à honorer :
– Je t’ai promis de te laisser tranquille à tout jamais… Je tiens parole, et je ne te ferai pas entrer…
Condamné à errer entre les mondes durant l’éternité, Jack use de sa ruse une dernière fois, et obtient du diable quelques braises de l’Enfer, qu’il met dans un navet creusé pour faire office de torche. Depuis, il prit le surnom de « Jack of the Lantern », qui s’est contracté au fil du temps, pour s’appeler aujourd’hui Jack O’Lantern, Jack à la lanterne.
Les symboles de Samhain
Le feu
Les noix et les châtaignes
Récoltées à cette saison, et pouvant se conserver tout l’hiver, les noix et les châtaignes sont des emblèmes de Samhain.
Si l’on en croit Laurentius Legatus de Crémone, un poète italien du XVIe siècle, le nom botanique du châtaignier lui viendrait de celui de la chaste Nea (casta-nea), nymphe de Diane, qui préféra se tuer plutôt que de céder sa vertu à la passion de Jupiter. Le maître des dieux transforma alors sa dépouille en un arbre majestueux, dont les fruits à l’écorce dure et lisse et au cœur parfumé, sont enveloppés d’une carapace piquante.
Chez les Celtes les racines noueuses du châtaignier sont un symbole de virilité et son fruit a longtemps été considéré comme un aphrodisiaque. En Écosse, les amoureux s’en servaient pour pronostiquer la solidité de leur relation. À Samhain, ils plaçaient ensemble deux châtaignes dans le feu, et on observait leur réaction. Si elles brûlaient ensemble d’un feu vif, sans invoquer le dieu Crépitus, le mariage serait heureux. En cas de vitupérance et d’éclatement, les amoureux seraient globalement heureux, mais il y aurait des disputes. Enfin, si l’une des deux ne s’enflammait pas, le couple ferait un mariage fort bien malheureux.
La pomme
Le chrysanthème
Les mots « chrysos » qui signifie or, et « anthemon » qui signifie fleur, ont été combinés pour refléter la beauté et la valeur de cette fleur. Ce nom est également présent dans les traductions chinoises et japonaises, qui signifient littéralement la fleur d’or ou la floraison d’or.
Le chrysanthème nous apporte un message de gaieté au milieu d’une végétation qui se meurt et brunit. En offrant la beauté flamboyante de ses inflorescences au début de l’hiver, la fleur d’or nous rappelle que le Yang prend sa source dans la plénitude du Yin. Il nous suggère d’honorer le cycle de la vie, qui se termine et se renouvelle en permanence.
Le chrysanthème a la réputation de parler avec les morts. En Haute-Bretagne, on le nomme rose de la Toussaint ; à Liège, il s’appelle fleur de sainte Catherine.
Les larges inflorescences chevelues des chrysanthèmes d’automne possèdent un haut pouvoir protecteur. Elles sont réputées combattre efficacement les perturbations électro-magnétiques négatives de l’atmosphère.
Certaines variétés de chrysanthème sont utilisées en cuisine. En Chine, on ajoute les fleurs dans les soupes et les sautés qui ont besoin d’un soupçon de parfum floral pour équilibrer des ingrédients plus aromatisés ou à l’odeur plus musquée. Les feuilles sont également utilisées pour égayer les salades et les fritures. Si vous avez accès à des fleurs qui n’ont pas été traitées avec des pesticides, vous pouvez égayer vos salades d’hiver avec les pétales, ou faire votre propre thé aromatisé au chrysanthème.
La courge
Arrivée en Europe à la suite des conquêtes des territoires américains par les explorateurs européens, la courge est plutôt rattachée à la fête d’Halloween. Cette fête est elle-même héritée des traditions irlandaises de Samhain, exportées aux États-Unis avec l’exode de la grande famine au XIXe siècle. En Amérique, les courges poussaient plus nombreuses que les navets, et elles supplantèrent le légume racine lors de la confection des fameuses Jack O’Lanterns.
Ces légumes colorés sont emblématiques de cette période, car ils comptent parmi les victuailles qui peuvent se conserver et garnir nos assiettes durant toute la saison froide.
Surfer sur l’énergie de Samhain
En cette fin d’octobre, même si cette année la nature a du mal à s’endormir, on observe tout de même jour après jour les transformations qui annoncent son sommeil hivernal. Les feuilles d’automne recouvrent le sol d’un manteau flamboyant de couleurs chaudes, laissant les arbres dénudés. L’herbe brunit et le matin blanchit sous la rosée (pas encore givrée). La brume matinale rappelle le voile entre les mondes, qui s’amincit durant ce temps particulier d’entre-deux.
À la période de Samhain, les dernières récoltes sont rentrées, les animaux se préparent à l’hibernation, tandis que d’autres engrangent des forces pour l’hiver.Pour nos ancêtres paysans, on arrivait à la fin du cycle des travaux des champs. C’était le moment de passer au bilan, et de faire les derniers inventaires avant l’arrivée de l’hiver.
Les festivals du feu de la Roue de l’Année Celte entrent en cohérence avec les temps d’intersaison du cycle annuel chinois. D’après le calendrier chinois, nous sommes dans l’intersaison, depuis le 20 octobre et jusqu’au 7 novembre. L’intersaison est rattachée au souffle de la Terre, lui-même associé au couple de méridiens Rate-Pancréas et Estomac. Ces deux dimensions jouent un rôle de recentrage et de répartition de l’énergie.
En cette fin de cycle, à partir de notre propre centre, on peut observer dans les quatre directions, et porter notre attention sur tout ce qui nous permet d’être aujourd’hui ce que nous sommes. Et puisque nous amorçons l’entrée dans l’hiver, rattaché à l’énergie des Reins et de la Vessie, c’est un temps particulièrement propice pour se mettre en lien avec nos profondeurs. C’est le temps de l’alliance avec le plan de la conscience éveillée. C’est un bon moment pour plonger en conscience dans nos profondeurs, à la rencontre de ce que nous héritons de nos ancêtres. Qu’ils appartiennent à une lignée de sang, de cœur, d’esprit ou même d’âme, on honore les êtres dont nous nous sentons les héritier·es.
Nous sommes dans la phase du cycle où patience, lenteur, introspection, réflexion et planification sont de mise. Les rythmes effrénés dans lesquels nous sommes pris·es nous font apprécier davantage les moments plus lents. Profitons-en pour remettre a goût du jour des activités d’antan, et remettons-nous au crochet, à la broderie, au tricot, à la couture, à la menuiserie. Il est intéressant de profiter de l’énergie méditative des gestes répétitifs que ces activités impliquent, pour laisser s’opérer une introspection à l’écart du mental.
Évidemment, il est aussi tout à fait possible de prendre du temps pour des méditations plus « puristes », mais je trouve enrichissant de varier les pratiques. Durant cette période où la vision intérieure se fait plus présente, certain·es d’entre nous se sentiront peut-être appelé·es à faire quelques pratiques de divination.
Célébrer et honorer les ancêtres
La période de Samhain est un bon moment pour exprimer sa gratitude pour l’année écoulée, et pour l’héritage des ancêtres. Prenons un temps pour regarder d’où nous venons, honorer la mémoire de celles et ceux qui nous ont engendré·es. On peut déposer les traditionnels chrysanthèmes sur la tombe de nos aînés disparus, prier, feuilleter un album photo ou un arbre généalogique, se remémorer des anecdotes, préparer le plat préféré de l’un d’entre eux ou une recette de tradition familiale… les idées ne manquent pas. Ma grand-mère préparait de somptueux cakes aux fruits confits. Cette année, en mettant mes oranges confites dans un fond de Grand Marnier pour préparer mon cake d’automne à la châtaigne, je penserai à elle, et à son amour de la cuisine et du partage de bons petits plats. Je me dis aussi que ça fait longtemps que je n’ai pas mangé de quenelles à la sauce tomate, une recette traditionnelle familiale, venue de mon autre grand-mère, à laquelle j’ai mis ma patte sans gluten et sans lactose.
On peut aussi célébrer celles et ceux qui ont foulé la terre avant nous. Cette terre, ce lieu où nous vivons, les chemins où nous allons et venons aujourd’hui, d’autres les ont parcourus avant nous. Cela peut donner l’occasion d’aller faire une visite guidée des vieilles rues de sa ville, d’un village alentour, et imaginer ce qu’ont pu vivre ces gens à leur époque. Honorons celles et ceux qui nous ont légué les fruits de leur travail et forgé les traditions qui perdurent encore aujourd’hui. Personnellement, je penserai particulièrement à nos ancêtres Celtes, dont on connaît peu de choses, mais auxquels je me sens reliée de plus en plus profondément.
Célébrons aussi nos ancêtres spirituels, ces êtres auxquels nous nous sentons relié·es par le cœur, l’âme et l’esprit. En ce qui me concerne, je penserai à Mahatma Gandhi, Martin Luther King, Nelson Mandela, Mère Theresa, Marshall Rosenberg, Uncle Phil, Sitting Bull… Et je penserai aussi à cette grand-mère, que j’ai aperçue un jour au fond d’un tipi lors d’un Pow Wow, et dont je garde un souvenir cher à mon cœur.
Et si vous vous sentez appelé·e à honorer des êtres non-humains peuplant la terre depuis plusieurs siècles, ça marche aussi. Je pense aux baleines, qui par leur chant semblent venir nous conter des histoires du fond des âges ; à ces arbres majestueux, si larges qu’on doit se mettre à plusieurs pour les encercler. Eux aussi, nous apportent un grand nombre de richesses, n’hésitons pas à leur rendre hommage.
Que nous en soyons fier·es ou non, ce que nous portons en nous est une alchimie de tout ce dont nous sommes constitué·es et nourri·es, consciemment ou non. Le jeu du « Merci qui ? » est une activité sympathique pour nous rappeler combien nous sommes pétri·es de notre histoire. Amusez-vous à explorer vos traits de caractère, et à les associer à un·e de vos ancêtres de sang, de cœur ou spirituel.
Prendre un temps d’introspection
Aller à la rencontre de soi est un chemin infini. La période de Samhain est propice à une exploration personnelle, nous permettant de faire le point sur là où nous en sommes, et là où nous souhaitons aller. C’est l’occasion de nous autoriser à nous laisser guider par autre chose que notre tête, et les idées préconçues que nous avons des choses et de ce qu’elles devraient être.
Je vous encourage à vous appuyer sur l’esprit de Samhain, en vous inspirant simplement de ce que vous observez autour de vous :
Le feu du soleil à l’extérieur ne nous éclaire pratiquement plus. C’est l’occasion de l’allumer par nous-mêmes au sein de nos foyers. Comment puis-je nourrir la chaleur dans mon cœur et dans celui de mes proches ?
Samhain est l’entrée dans la période la plus sombre de l’année, qui durera jusqu’au Solstice d’hiver, le 21 décembre. C’est un temps propice pour sentir ce qui nous donne de l’énergie. Qu’est-ce qui me rend vivant.e ? De quel bois mon feu a-t-il besoin ?
Traditionnellement, Samhain est aussi la nuit où la frontière entre le monde invisible et le monde visible est la plus mince. Peu importe nos croyances, c’est l’occasion de sortir de l’aveuglement et de regarder ce que nous ne voyons pas habituellement. Est-ce qu’il y a des situations que je gagnerais à voir autrement ?
C’est aussi un temps d’une juste reconnaissance du cycle de la vie, où mort et naissance sont les deux faces d’une même réalité. Qu’est-ce que je laisse partir de mon passé ? Comment je l’honore ? Quelle page se tourne ? Quelles graines cet engrais va-t-il pouvoir nourrir ?
Faire peur à ses peurs
Pour beaucoup d’entre nous, les temps incertains que nous traversons ne laissent pas d’autre choix que de faire face à nos démons. Nos démons étant tout simplement des parts de nous qui sont restées dans l’ombre, et/ou qu’on ne parvient pas à exprimer. Puis-je faire de la place pour ces parts que je connais moins, qui m’impressionnent, qui me font peur… ? Ai-je la possibilité de rester avec, de les rencontrer ? Ai-je la possibilité de les apprivoiser, afin qu’elles me fassent un peu moins peur ?
De la même manière qu’un porte-manteau habillé de plusieurs vêtements est moins impressionnant que son ombre projetée sur un mur, et qui nous a fait penser à un monstre, faire la lumière sur quelque chose permet de nous rassurer et nous tranquilliser.
Avant de chercher à faire quoi que ce soit de ce que vous sentez émerger, prenez un temps pour être. Être avec, être là, sans rien chercher à faire. Ni à accepter, ni à rassurer, ni à faire passer, ni à transformer. Simplement, respirez, et soyez avec. Développer notre capacité à rester avec nos inconforts est une richesse. C’est une clé de croissance majeure. Si vous avez du mal, je peux vous accompagner. N’hésitez pas, dans ce cas, à prendre rendez-vous et je vous soutiendrai dans votre processus.
Poser ses intentions pour le démarrage d’un nouveau cycle
Dans la suite logique du bilan de l’année qui vient de s’écouler, vient le moment de lister les objectifs que l’on souhaite se fixer pour l’année à venir. C’est le moment de faire ses prévisions, de dresser ses plans, et lister ses projets.
On peut, pour cela, réaliser un tableau de vision, par exemple, tout en poursuivant tranquillement notre cheminement à travers le vide fertile qui s’offre à nous.
Je parle bien ici de vision et de prévision. Même si vous êtes du genre à vous attaquer d’emblée à la moindre nouvelle idée sortie de votre chapeau, essayez d’observer un temps de repos, un temps d’accueil. Restez présent·es avec votre nouvelle idée, avec votre élan à vous mettre en action tout de suite, et laissez le vide fertile faire son œuvre. Laissez-vous surprendre, soyez curieux·se de que vous pourrez découvrir, en vous accordant plus de temps. Avant de faire des choix rationnels, amusez-vous à donner une présence, une âme, à votre idée ou projet. Pourquoi pas même, un prénom. Et laissez-vous guider par ce qui vous sera dicté, depuis votre fort intérieur.
Si vous êtes novice dans l’écoute de soi, commencez par des choses sans conséquence majeure sur votre vie. Commencez, par exemple, par vous amuser à vous laisser choisir par vos vêtements pour la journée, ou à faire vos courses en vous laissant guider par cette présence qui vit en vous, au-delà de votre tête.
Faire un tirage divinatoire
Les cartes, les runes, les formes dans les nuages ou dans le marc de café, les éclats de noix ou les pelures de pommes, sont autant de supports qui aident les pratiquant·es à trouver des indices et des conseils pour faire le pas suivant sur leur chemin.
Décorer sa maison et faire rayonner la chaleur et la lumière de l’intérieur
C’est la saison du cocooning à plein tube ! Allumons des bougies pour profiter de leur lumière douce et chaleureuse. Mettons en évidence dans la cuisine, les fruits et légumes colorés, et laissons les parfums de nos infusions à la cannelle et à la cardamome embaumer toute la maison.
Profitons-en pour partager des activités ludiques et créatives avec nos têtes blondes ou avec des ami·es. Le fameux creusage des traditionnels navets, betteraves et citrouilles pour en faire des lanternes effrayantes est un incontournable. Si vous avez envie d’y mettre cette conscience, lorsque vous allumerez votre lanterne, ayez en tête que cette tête horrible symbolise toutes les choses « terribles » que vous avez au fond de vous et dont vous avez peur ou honte, et qu’il est temps de vous réapproprier pour devenir un être complet et éclairé.
Profitez d’une promenade pour glaner des éléments naturels, et créez une décoration magnifique. Fabriquer des petits animaux ou des petits personnages avec des glands, des feuilles et quelques tiges de fil d’alu peut constituer une activité pour occuper les enfants pendant les vacances de la Toussaint. Les feuilles d’automne cirées constituent une décoration automnale du plus bel effet. La cire présente l’avantage de figer les feuilles dans le temps, permettant à leurs couleurs chatoyantes de perdurer.
N’oubliez pas les fleurs de chrysanthème, qui éclaireront votre intérieur de leur lumière éclatante. Je les choisis jaunes pour rappeler la couleur du soleil.
Pour les personnes qui veulent mettre encore plus de sens dans leur décoration, voici une liste non exhaustive des symboliques associées à la période de Samhain :
les couleurs
Argenté : le soi intérieur, la lune, le travail avec les ombres
Brun : ancêtres, chance, énergies de la terre, équilibre, hibernation, protection, santé
Gris : neutralité, repos silence, amincissement du voile
Jaune : changement, harmonie, santé, espoir, lumière, foi, transition
Noir : moitié sombre de l’année, hiver proche, deuil, nuit, protection, sommeil
Orange : alliés, changements, gourmandise, foyer, chaleur, subsistance, transformation, transition, optimisme
les végétaux
Absinthe : créativité, intuition, profondeur, purification, vision
Achillée Millefeuille : courage, endurance, guérison des blessures émotionnelles, vœux
Armoise : divination, guérison, intuition, méditation
Cèdre : préservation, protection, purification
Chrysanthème : amitié, joie, repos
Genêt : humilité, chance, nettoyage
Myrrhe : cicatrisation, guérison, purification, sens du sacrifice
Noisetier : chance, fertilité, mariage heureux, sagesse, souplesse d’esprit, générosité
Œuillet : bien-être, calme, guérison, vision nocturne
Pommier : énergie nourricière, abondance, amour, force, beauté, intuition, inspiration
Romarin : guérison, souvenirs, stimulation mentale
Sauge : protection, purification, sagesse, spiritualité
Souci : guérison du chagrin, honorer les aïeux, protection, nettoyage, purification, réstauration
NB : il va de soi que si ces éléments ont une autre signification pour vous, c’est votre symbolique personnelle qui prime ! La force d’un symbole réside dans le sens qu’on lui donne. N’accordez d’importance qu’à ce qui a du sens pour vous.
Organiser une soirée costumée
Certaines personnes déplorent l’arrivée du rouleau compresseur de la pop-culture américaine qui nous a envahi·es avec Halloween, cette fête commerciale, mais elles oublient que c’est une fête bien de chez nous, transportée outre-atlantique par les migrations d’Irlandais au XIXe siècle. De nombreux·ses néo-païen·nes associent à la fête de Samhain des temps solennels de révérence aux ancêtres et à la fin de l’année écoulée. La fête d’Halloween, quant à elle, offre l’autre facette de ce temps particulier, qui consiste à abolir les codes de l’ordre établi, pour mieux supporter de respecter les règles le restant de l’année. Organiser une soirée costumée entre amis et/ou en famille est une formidable occasion pour tout le monde de se lâcher, de faire sauter les codes et de s’amuser comme des petits fous.
On peut choisir un thème, et préparer des plats concordants pour le repas. Je vous laisse me raconter en commentaire les idées que vous avez eues.
On peut aussi agrémenter la soirée avec des jeux traditionnels, comme celui de croquer une pomme accrochée à une ficelle. Le but du jeu est de parvenir à croquer dans une pomme en ayant les mains attachées dans le dos. Une variante de ce jeu est de mettre les pommes dans une bassine remplie d’eau.
Discuter, échanger, aimer
Samhain nous rappelle – s’il est possible de l’oublier – que chaque être est mortel. La Mort emporte non seulement nos êtres chers mais aussi tout ce qu’ils savent du Monde, de nous et de notre Histoire. Cette période est donc propice au contact avec les membres de la famille éloignés par la distance ou par la vie, avec les amis que nous n’avons pas vu depuis longtemps… Une rencontre permet d’évoquer ensemble de vieux souvenirs, de rire avec nostalgie et d’honorer ensemble la mémoire de ceux que nous avons côtoyés et aimés.
Si dans certaines contrées la coutume est de prendre un repas silencieux, il peut être amusant pour nous d’échanger avec nos proches, et de se parler du “bon vieux temps”, qui lui aussi évolue au fil des générations. Prenons un temps pour revisiter les souvenirs et anecdotes qui nous ont forgé·es, qui ont fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui. Amusons-nous à explorer les habitudes du quotidien à travers la lorgnette de plusieurs générations. Comment faisaient nos arrières grands-parents pour écouter de la musique, par exemple ? Et nos grands-parents ? Et nous ? Et nos enfants ?
S’inspirer de notre passé, pour construire notre présent et notre avenir
Profitons de la parole sage de nos aînés ; évoquons avec eux notre passé, notre enfance, tout simplement pour nous rappeler d’où nous venons. Cela permet de nous placer, à notre tour, dans la chaîne de nos lignées, de prendre conscience de ces liens qui nous unissent, et de réaliser qu’un jour, nous serons les ancêtres des générations futures. Cela donne à réfléchir. Quel passé nos enfants et nos petits-enfants évoqueront-ils ? Quelles émotions susciteront ces souvenirs ?
Se cocooner et prendre le temps de la contemplation
Profiter d’un bon bain bien chaud après une bonne marche en forêt ; déguster une infusion de pelures de pommes à la cannelle, lové·e dans un plaid avec un bon bouquin et une bouillotte chaude sur le ventre, se faire masser, s’offrir une part de tarte dans son salon de thé préféré, faire une sieste, regarder un film en amoureux, profiter d’un câlin avec un être aimé … je m’arrête là, et je vous laisse compléter la liste avec ce qui vous parle.
Même si c’est de plus en plus difficile, profitez autant que possible de la lumière du jour, et oxygénez-vous. C’est bon pour le moral et pour la santé. Allez marcher dans la nature, et goûtez-la avec tous vos sens ! Voyez la beauté de ces paysages changeants. Contemplez les feuilles pourpres, cuivrées et dorées qui recouvrent le sol. Imprégnez-vous de la lumière des chrysanthèmes et des cosmos qui éclatent de couleur alors que le reste de la nature brunit. Sentez les parfums de l’humus, de la mousse arrosée de pluie, des champignons dans les sous bois. Entendez le grincement des arbres qui se balancent dans le vent, et le son des brindilles desséchées qui craquent sous vos pas. Goûtez les noix fraîches ou les cenelles glanées lors de votre promenade. Sentez la fraîcheur de l’air pénétrer dans vos narines… Et puis, une fois rentré·es au chaud, sentez la douce chaleur de votre chaumière, et préparez-vous une bonne tisane, avant de vous emmitoufler dans votre plaid préféré.
Faire un feu de joie
Un Samhain sans feu de joie, c’est comme une raclette sans fromage… C’est triste, et surtout, c’est inimaginable ! L’ingrédient qui donne toute sa magie à cette fête, c’est le rituel du feu de joie !
C’est une formidable occasion de déguster des pommes braisées et des chamallows grillés, mais aussi de faire un acte symbolique pour laisser derrière soi des vieux trucs qu’on ne souhaite pas emporter avec nous pour le cycle suivant. Cela peut être de vieilles croyances, une habitude, une vieille blessure… tout ce dont vous sentez avoir besoin de vous défaire. Pour cela, écrivez sur un morceau de papier ou sur un vieux torchon, tout ce dont vous voulez vous débarrasser. Ce faisant, mettez en conscience ce qui se vit. Quand c’est le bon moment pour vous, jetez les inscriptions dans les flammes. Ressentez dans votre corps la transmutation qui s’opère, et laissez émerger les sensations de cette nouvelle version de vous.
Si vous n’avez pas la possibilité d’allumer un grand feu de joie à l’extérieur, vous pouvez tout à fait faire un plus petit feu dans votre cheminée, votre barbecue, ou même vous contenter d’une bougie pour procéder à votre rituel.
Joyeuses fêtes de Samhain !
Sources
· Rajchel, D. (2017). Samhain. Éditions Danaé
· https://www.mexikoo.com/fr/dia-de-los-muertos-histoire-et-traditions/
· https://www.significationdesfleurs.com/chrysantheme-signification/
· https://www.luminessens.org/post/2017/02/18/le-chrysanth%C3%A8me
· https://www.bretagne.com/fr/la-bretagne/sa-culture/ses-legendes/samain
· The Witches’ Cookery. (2022). How to celebrate Samhain | Rituals, Activities, DIYs and kitchen witchery. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=2y18VJH5F6s
· Ginny Metheral. (2022). All the traditions, spells, rituals and charms for Samhain: Apples Halloween Series #1. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=I2ehcg2c4QM